Pédagogie et technologie, quid ?
Au début de mon utilisation d’outils informatiques en pédagogie, notamment une plateforme de formation, j’étais pressé de voir ce que ça pouvait donner comme résultat !
Je me suis vite aperçu que je brûlais des étapes, notamment celle de l’analyse de mon projet. Je me réfère au modèle ADDIE (Analyse, Design, Développement, Évaluation)
Je pouvais donner prise aux critiques à l’époque quant à l’utilisation de technologies dans le domaine de l’enseignement. (Technicisme, déshumanisation, …)
Pas à pas, le rapport entre pédagogie et technologie a pris une nouvelle tournure. Il est devenu plus riche, pédagogie et technologie venant se questionner l’une l’autre. Je m’explique par un exemple :
Le fait de placer un « Forum » sur la plateforme de formation, rien de plus simple, cela prend quelques secondes. Oui, mais…
Ce moyen de communication en ligne, donc accessible à des personnes disséminées sur la planète, peut considérablement enrichir les échanges entre les apprenants et le formateur, entre les apprenants eux-mêmes. Le lieu est sécurisé, seules les personnes inscrites peuvent participer. Il est modéré par le formateur ou l’enseignant.
Si la consigne donnée est claire, alors le forum devient un espace de travail, de réflexion, d’échanges.
Au formateur, à l’issue de l’activité, de rédiger une synthèse des apprentissages réalisés.
On pourrait vite retomber dans un éternel débat un peu vain entre technophiles et technophobes. Et si on prenait une posture de « technodistant » en se posant calmement et sereinement les questions ?
Je pense à un article de Michel Serres (1)
« Oubliez donc, un moment, les programmes et travaillez sur les canaux : les contenus, puis les méthodes pour les diffuser vous viendront par surcroît ; et vous vous étonnerez d’avoir trouvé les solutions sans les chercher. Si l’on ne comprend pas, de plus, que les collectifs d’apprentissage dépendent encore des canaux. Par oral, le vieillard expérimenté transmet son savoir à un tout autre collectif, tout autrement rassemblé, que celui qui apprend dans et par les tablettes ou les livres ; et la classe elle-même change dès lors qu’un canal à double sens fait circuler le message. Les relations des apprenants à ceux qui les enseignent, leur attitude même, se transforment de fond en comble. Oubliez donc un moment la forme des groupes et des institutions ; une autre idée de la distribution et du contrôle vous viendra, où les offres de savoir, loin de les précéder, loin surtout de s’imposer, suivent les demandes d’enseignement et s’y adaptent. Émerge, alors, un intérêt nouveau pour l’apprentissage de la part des acteurs, une réciprocité souple entre la demande et l’offre, d’où s’ensuivra, je l’espère, un lien social renouvelé. »
En travaillant sur les canaux, comme nous y invite Michel Serres, nous devrions trouver les réponses en nous appuyant sur notre pratique quotidienne, sur les apports des chercheurs et sur le bon sens.
Tout cela sans faire de mauvais procès aux enseignants et formateurs qui « rechigneraient » à se « mettre au digital » !
(1) Cet article ouvre le hors-série du Monde de l’Éducation, « Apprendre à Distance », sorti en septembre 1998, sous la direction de Michel Serres et Michel Authier.
Jacques Cartier