– Jacques, tu m’as dit récemment que tu approchais de tes 50 ans de métier ! Peux-tu me dire ce qui a particulièrement marqué ta carrière ?
– Oui, en effet, j’ai enseigné de la maternelle à l’université. La classe de campagne à tous les cours avec le fourneau à bois au milieu de la pièce, l’atelier de menuiserie et de cuisine, la salle de formation , l’amphithéâtre, … Tous ces moments, ces lieux ont marqué ma pratique. Mais c’est le passage à la formation à distance qui a été le point le plus saillant.
– Peux-tu expliquer pourquoi, car cela semble étonnant !
– Oui, bien sûr. Le fait de sortir de l’unité de lieu, de temps et d’action m’a amené à interroger ma pratique pédagogique. Que proposer comme activité à distance, comme évaluation, quelle place de l’apprenant dans un dispositif qui fusionne pédagogie et technologie ? Quel espace utiliser en ligne ? Quid du rapport entre synchrone et asynchrone ?
– Oui, mais tu avais déjà de l’expérience ! Cela n’a pas dû trop te poser de questions ?
– En fait si. Tu sais, j’évoque souvent cette citation :
« Chaque nouvelle technologie alimente une utopie : l’outil de référence est associé au rêve d’une certaine école ou d’une certaine société… comme toujours, les développements technologiques loin de remplacer l’enseignant (…) ne font qu’exiger de lui plus de maîtrise dans la connaissance des processus d’apprentissage et toujours plus d’imagination, … »
Jacquinot, G, (1985), L’école devant les écrans, Paris, ESF.
J’ai certainement été à des moments un peu dupé par la technologie en pensant inconsciemment quelle était pourvoyeuse par défaut d’apprentissage, innovatrice par essence. J’ai vite compris que les choses étaient plus compliquées !
– Comment as-tu géré cette tension ?
– Je crois que mon intérêt pour la pédagogie Freinet m’a donné des idées, des armes. J’ai découvert les méthodes de cette pédagogie grâce à un instituteur qui m’avait accueilli en stage dans sa classe à Châtelblanc dans le Haut-Doubs en 1972. Sa classe était un véritable atelier, une bibliothèque, un salon, un lieu de vie. J’ai découvert que l’apprenant pouvait être au centre du dispositif et non placé dans un rôle figé comme on nous l’enseignait alors dans les écoles d’application où nous « apprenions » le métier. Après le stage, j’ai adhéré au mouvement de l’École Moderne.
– Alors pour Toi, ce passage au digital est profondément lié à la pédagogie ?
– Oui c’est le point nodal. Mais il ne faut néanmoins pas sous-estimer le rôle des technologies. On se pose des questions pédagogiques et on s’aperçoit que telle ou telle technologie autorise l’atteinte des objectifs pédagogiques que l’on s’assigne. Une sorte de jeu dialectique s’installe entre les deux. Par exemple, on va utiliser un forum de discussion sur une plateforme de formation pour que les apprenants creusent une notion de façon collaborative.
– L’heure tourne. Je te propose que nous continuions ce dialogue au-travers de futurs articles. A bientôt et merci à Toi.
Par Jacques Cartier, Consultant
espace-formation.eu – www.jacques-cartier.fr