La pédagogie universitaire à l’heure du numérique

Publié: 8 janvier 2011 dans Lectures
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Image en Creative Commons sur flickr.com

Deux journées scientifiques dont le thème était « La pédagogie universitaire à l’heure du numérique – Questionnement et éclairages de la recherche » viennent de se terminer. Elles se sont déroulées à l’INRP de Lyon les 6 et 7 janvier 2011.

La feuille de présentation des journées indique que 95 % des étudiants disposent d’un accès à leur environnement numérique de travail et à des ressources en ligne (vidéos, cours complets, exercices et auto-évaluations, animations, simulations …)

Ce séminaire visait à se pencher sur la question des usages. Quand les outils sont présents, mis à dispostion, qu’en est-il des usages faits par les étudiants et les enseignants, et plus largement par l’ensemble de la communauté éducative ?

Les conférences de Brigitte Albéro, Isabelle Chênerie, France Henri et Bernadette Charlier ont apporté un éclairage de fond sur la thématique du jour.

L’ensemble des interventions sera mis à disposition sur Canal-U fin janvier.

J’ai remarqué, au cours de ces journées, une certaine défiance persistante quant à la capacité des technologies à influer sur la pédagogie. Comme si elles n’étaient qu’un artéfact de plus pour participer à l’acte d’enseignement et d’apprentissage.

Ce type de colloque n’est pas l’endroit pour débattre car il est plus axé sur le mode expositif. C’est pour cela que j’ai eu envie de réagir à chaud (le lendemain) sur ce que j’évoque à l’instant.

En lisant des statistiques sur le taux d’équipement de téléphones portables des jeunes de 14 à 16 ans et de 18 à 20 ans, on s’aperçoit que pratiquement 75 à 80 % de la première tranche d’âge est équipée et que le taux frise les 100 % pour la seconde. Il serait intéressant – des collègues chercheurs ont peut-être déjà commencé ou finalisé des recherches sur ce phénomène – de connaître les implications de la possession de cet outil de communication sur le mode de communication entre les jeunes, sur leur capacité d’échange, sur l’utilisation des images et des vidéos que ce type d’outil autorise.

Ainsi, si 95 % des étudiants sont « équipés » d’outils à l’Université (voir second paragraphe), quels sont les impacts sur leur métier d’étudiant au quotidien, quelles sont les conséquences sur la (les ?) pédagogie(s) utilisées par leurs enseignants ?

On pourrait vite retomber dans un éternel débat un peu vain entre technophiles et technophobes. Et si on prenait une posture de « technodistant » en se posant calmement et sereinement les questions ?

Je pense à un article de Michel Serres (1)

« Oubliez donc, un moment, les programmes et travaillez sur les canaux : les contenus, puis les méthodes pour les diffuser vous viendront par surcroît ; et vous vous étonnerez d’avoir trouvé les solutions sans les chercher. Si l’on ne comprend pas, de plus, que les collectifs d’apprentissage dépendent encore des canaux. Par oral, le vieillard expérimenté transmet son savoir à un tout autre collectif, tout autrement rassemblé, que celui qui apprend dans et par les tablettes ou les livres ; et la classe elle-même change dès lors qu’un canal à double sens fait circuler le message. Les relations des apprenants à ceux qui les enseignent, leur attitude même, se transforment de fond en comble. Oubliez donc un moment la forme des groupes et des institutions ; une autre idée de la distribution et du contrôle vous viendra, où les offres de savoir, loin de les précéder, loin surtout de s’imposer, suivent les demandes d’enseignement et s’y adaptent. Émerge, alors, un intérêt nouveau pour l’apprentissage de la part des acteurs, une réciprocité souple entre la demande et l’offre, d’où s’ensuivra, je l’espère, un lien social renouvelé. »

En travaillant sur les canaux, comme nous y invite Michel Serres, nous devrions trouver les réponses en nous appuyant sur notre pratique quotidienne et sur les apports des chercheurs.

Tout cela sans faire de mauvais procès aux enseignants qui « rechigneraient » à se « mettre aux Tice » !

(1) Cet article ouvre le hors-série du Monde de l’Education, « Apprendre à Distance », sorti en septembre 1998, sous la direction de Michel Serres et Michel Authier; Michel Serres est philosophe, fondateur et membre du conseil d’administration de Trivium

commentaires
  1. Bonjour,
    merci pour ce retour à chaud sur ces journées.

    En fait, l’assertion « les technologies ne sont qu’un artéfact de plus » n’est pas fausse, sauf qu’effectivement elles réorganisent les interactions, l’espace et le temps d’apprentissage.

    Il me semble que l’université fait actuellement un premier vrai pas pour intégrer les technologies, et qui est déjà énorme quant on prend le temps d’y réfléchir. Sans doute faut-il lui laisser un premier temps d’assimilation avant de passer à l’étape de la réorganisation de l’apprentissage. Pour passer à cette deuxième étape, l’accompagnement des enseignants par des pédagogues sera indispensable. il reste donc à les convaincre de l’importance des opportunités offertes par ces nouveaux artefacts.

    Cette défiance entre pédagogues « classiques » et pédagogues « TICE » n’est pas nouvelle et se traduit en France par deux communautés aujourd’hui distinctes, mais heureusement pas étanches. Ce nouveau pas doit leur permettre de se rapprocher.

    Et laissons aux enseignants le temps d’aborder les ressources en ligne, première étape d’une série d’évolutions qui restent à aborder.

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  2. Jacques Rodet dit :

    Merci Jacques pour ce retour,

    Au-delà du débat entre pro et réticents à l’utilisation des médias en formation, il me semble qu’il ne faut pas oublier que si la communication occupe une place importante dans le processus d’apprentissage, ce dernier ne s’y résume pas. Les mises en situation, la manipulation, la production sont centrales pour la construction des connaissances.

    A ne focaliser que sur la communication ou le canal de communication, ne tombons nous pas dans le travers qui consiste à toujours améliorer l’émission du message mais à ne pas trop se préoccuper de la manière dont il est reçu ?

    J’entends bien que l’évolution de la communication est en quelque sorte dimensionnée par le canal : un twitt de 140 caractères ne permet certainement pas d’exprimer la même chose que dans un billet de blog ou un message dans un forum. Pourtant, c’est bien l’usage pédagogique de ces médias, des fonctions de ces médias, qui est à penser et à expérimenter. A cet égard, l’expérimentation est créatrice de connaissances.

    Toutefois, il arrive fréquemment que les geeks, passant d’expérimentation en expérimentation, oublient de produire des retours sur leurs vécus qui permettent aux autres de s’approprier plus aisément leurs découvertes. A force d’avancer, au rythme effréné de l’apparition des nouveaux médias, ne court-on pas le risque de creuser davantage le fossé entre les praticiens et les autres ? Ne faudrait-il pas expérimenter de manière moins forcenée et tirer davantage de conclusions d’expérimentations qui ne se résumeraient pas à la seule poursuite des effets de mode ?

    A débattre…
    Jacques Rodet

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  3. Bonjour!

    C’est une question intéressante! En fait, les technologies doivent soutenir les interactions et le processus d’apprentissage. Elles sont vraiment performantes lorsqu’on les associe à la tâche d’apprentissage.

    Pour aider nos professeurs et chargés de cours de l’UQTR à associer les bonnes technologies aux tâches d’apprentissage, nous avons conçu la Méthode @pte (accompagnement pédagogique en technologie éducative. Vous pouvez la télécharger, ainsi que ses outils, sur le site http://www.uqtr,ca/enseigner/apte. Les outils sont disponibles à http://www.pearltrees.com/mattao.

    Vous y trouverez de nombreux tableaux et hyperliens pour vous aider à associer les TICE dans le cadre d’une pédagogie universitaire active qui favorise la réussite des étudiants.

    Johanne

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  4. Pour la derniere demi-heure de cours (15 min de préparation, 15 min pour les différentes présentations), les étudiants étaient répartis en groupes et devaient se coordonner pour réaliser une présentation (type Powerpoint) d’une étude de mini-cas qui venait de leur être distribuée. La difficulté consistait à proposer une présentation cohérente dans un temps limité.

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  5. gold price dit :

    La mission première du CLEMI est la formation et l’accompagnement des enseignants et des équipes pédagogiques dans la mise en œuvre de l’EAM ou le déroulement d’un projet en EAM dans les classes ou établissement. En 2011-2012, trois stages ont été inscrits au plan académique de formation et ont regroupé une trentaine de stagiaires. Un fonds documentaire d’ouvrages et de documents multimédias est disponible pour les enseignants, étudiants et chercheurs. Le CLEMI est également producteur d’outils pédagogiques : trois cédéroms (1976 : La Soufrière, La rénovation urbaine de Pointe à Pitre, L’évolution de la filière canne en Guadeloupe de 1835 à nos jours) ont déjà été distribués aux écoles, établissements, partenaires et réseau de lecture publique), un quatrième est en préparation. Le CLEMI est enfin dépositaire des productions des élèves, notamment des journaux scolaires. En effet, depuis la circulaire ministérielle de 2002, le dépôt légal obligatoire aux Archives départementales est doublé d’un dépôt pédagogique de quatre exemplaires de toute production au CLEMI.

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